i'm still standing. (wilhem)

Pensez-vous être quelqu'un de bien ? : il le pense, est ce qu’il l’est vraiment, il sait pas trop. disons que mentir délibérément à sa famille et exclure la personne qui vous aime, ça aide pas tellement à se dire qu’on est quelqu’un de bien. Ta dernière bonne action ? : pour lui, l’avoir largué. lui permettre de l’oublier et de ne pas avoir à faire de deuil. sinon, il a donné des pièces à un sdf l’autre jour.Tes plus gros pêchés ? : mentir. c’est presque maladif. enfin, surtout en ce moment. et puis, la gourmandise. et la paresse. après avoir passé des années à bien se comporter, il se lâche un peu.

je comprends pas. wilhem le regarde, en pliant un t-shirt avant de le mettre dans sa valise. il est sur le pas de la porte, à le regarder faire ses valises, le visage sombre et le cœur doucement en train de se liquéfier dans sa poitrine. tu me quittes, du jour au lendemain. d’un coup. explique moi ! il entend alors. il lève la tête lorsqu’il va prendre les derniers vêtements dans l’armoire, ne dit toujours rien. il veut croire qu’il fait ça pour le protéger, que c’est pour son bien. que la douleur qu’il ressent là lui épargnera celle d’après. il lui épargne l’hôpital, l’attente, le deuil, il veut qu’il soit heureux et il sait que ça ne pourra se faire que sans lui. c’est compliqué. il lâche alors, le palpitant qui s’emballe alors qu’il a les yeux toujours baissés. il entend son rire, un rire faux, un rire douloureux pour lui. bien sûr, si compliqué que je ne pourrais pas comprendre. j’aimerais quand même savoir pourquoi tu fous soudainement trois ans de vie commune en l’air. alors que je t’aime. que tu m’aimes. ses mains s’immobilisèrent. il dut prendre une inspiration, faire taire la légère douleur dans sa tête. c’était toujours comme ça, ça commençait pas une légère douloureux. il ferma la valise, la posa sur le sol. il la fit rouler, passa à côté de lui. c’est mieux comme ça.

ça avait commencé quelques mois plus tôt. une basique balade à vélo, sur ces petits chemins rocheux. sans protections, parce qu’on se sent encore invincible. la vitesse qui fait siffler les oreilles, les rires, les jurons poussés quand on se fait dépasser. et puis, la chute, douloureux, la tête qui tape et la perte de conscience.

il s’est réveillé à l’hôpital ce jour là, seul dans sa chambre, une infirmière en train de changer sa perfusion. alors le médecin est arrivé, l’air grave et le verdict est tombé. vous avez fait une mauvaise chute de vélo. en soit, la chute n’était pas si grave que ça, mais nous avons découvert autre chose lors de vos examens. wilhem déglutit difficilement, hoche la tête, pour qu’il continue.

une tumeur maligne, logée dans son cerveau. à un stade précoce, certes, il a apparemment eu de la chance qu’elle soit découverte à ce stade. un traitement médicamenteux peut ralentir sa progression, une opération est envisageable mais elle comporte trop de risque. on lui a expliqué, il pourrait perdre l’usage de ses mains, perdre la mémoire, se transformer en légume. pas d’opération. juste des médicaments pour la douleur, des séances de chimio pour la ralentir un peu. sous ses conditions, il pourrait encore vivre deux ans et demi, trois, voir quatre avec un peu de chance. le médecin n’ose même pas imaginer ce qui aurait pu se passer si elle avait été découverte plus tard.

quand il est sorti de l’hôpital, quand il est rentré chez lui, il a juste serré son compagnon dans ses bras. il lui a dit que ce n’était rien de grave, qu’avec un peu de repos, le tour serait joué. il a sorti le même discours à ses parents, sans aucuns scrupules.

il glisse la clefs dans la serrure, la tourne, entend le déclic avant de pousser la porte. il est spacieux, son appartement. ses meubles sont déjà là, avec le piano contre le mur. il se dirige vers lui, joue quelques notes avant d’aller s’avachir dans son canapé. ce soir, il ira jouer dans le bar de son frère et le lendemain, il donnera ses cours à ses élèves. c’est tout une partie de sa vie le piano, c’est même grâce à ça qu’il l’avait rencontré, avant de le quitter lâchement quelques jours plus tôt. il a l’impression de n’avoir plus que ça.