— On avait pourtant pas communiqué notre nouvelle adresse à la famille, mais v’là qu’on avait reçu une lettre en provenance de Montrose ce matin. C’est qu’il y avait quelqu’un qu’avait vraiment voulu nous contacter, c’est qu’ça devait être important. Et en effet ça l’était. Je m’étais servi d’une application sur le téléphone pour lire la lettre à ma place, parce que moi et la lecture, ça fait deux. J’avais r’lancé l’truc plusieurs fois pour être sûr que l’appli buggait pas, parce que c’que disait la voix artificielle d’mon téléphone me semblait surréaliste.
Peu de temps après, Bobby rentra dans l’appart. J’aurais pu essayer d’faire semblant, mais elle me connaissait trop bien et elle avait sans doute déjà capté que j'étais comme deux ronds de flan. Dès que je lui dirais l'contenu d'la la lettre,elle le serait certainement aussi. Je la regardais un instant sans savoir comment annoncer la chose, puis finalement, je savais que ça servirait à rien de tourner autour du pot ou bien d’adoucir la chose. Bobby avait pas besoin de ça, elle était suffisamment forte pour encaisser l’coup. « Bob, on est orphelins, dis-je sans aucune émotion dans la voix. L’vieux a fait une chute mortelle, puis la vieille a pas supporté. Morte d’chagrin. Le lend’main. » dis-je en lui tendant la lettre sans me lever pour autant.
Très honnêtement, je pouvais pas dire que j’étais triste ou quoi. Ça me faisait juste un peu bizarre, c’est tout. Passé un certain âge, Bobby et moi, on a plus trop été en contact avec nos parents, avec le reste de la famille. On a toujours été les marginaux, les sauvages qui s’sont barrés d’la campagne - oh l'ironie - alors que les autres sont restés. Alors finalement, d’apprendre la mort d’nos parents, ben ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, si vous me pardonnez l'expression. Bobby, elle avait toujours en travers c’que lui avait infligé m’man quand elle était p’tite, mais de là à se réjouir d’sa mort… Ouaip, on s'rait ni tristes, ni heureux.
Je me raclai, la gorge avant de me lever et d’aller nous servir des verres d'whiskys, deux gros verres bien pleins qui débordaient et coulaient un peu sur l'tapis. Je posai celui de Bobby sur la table basse le temps qu’elle repose la lettre tandis que je portais déjà le mien à mes lèvres. Je bus la moitié d’une traite, avant de pousser un râle sauvage et de secouer brutalement la tête. « J’veux pas. J’veux pas aller aux funérailles… Mais toi, si tu veux… te retiens pas… » dis-je dans sa direction sans la regarder. On faisait tellement toujours tout ensemble que des fois, je ressentais le besoin de lui dire qu’elle était pas obligée de m’imiter quoi… Si elle voulait y aller, qu’elle y aille.
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Dead Letters (ft. Bob)
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