quartier des lunes

Pensez-vous être quelqu'un de bien ? : il n'y a personne de fondamentalement bien, ou de fondamentalement mauvais. toujours des nuances et une complexité qui font quelqu'un d'humain. je suis humaine, c'est le mieux que je peux dire. j'ai fait de mauvaises choses, dans ma courte vie. mais j'ai aussi amené les rayons de soleil dans les jours brumeux. ce n'est pas vouloir bien faire, c'est vouloir agir comme j'en ai envie aux moments opportuns.  Ta dernière bonne action ? : je ne sais pas si on peut considérer cette situation comme une bonne action. car au-delà des apparences, il y a une souffrance infinie. j'ai été assignée à un cas de maltraitance à domicile. une petite fille. petit ange. c'est les professeurs qui nous ont alerté. j'ai été celle qui s'est entêtée à vouloir la voir. à vouloir passer du temps avec elle. à la comprendre dans son silence. et la sortir de cet enfer. car même si on réside à une adresse, on ne peut pas toujours considéré ça une maison. une famille l'a déjà prise en charge. donc, selon vous. est-ce une bonne action ? ou est-ce que j'ai creusé un vide immense dans son coeur en la retirant de ses parents ? j'en sais rien, en fait.  Tes plus gros pêchés ? : aimer l'inaccessible. la main recouverte d'un alliance. parce que je ne pourrai jamais avoir l'attention que je désire. comme si je cherche toujours à me buter à un mur émotionnel. par peur, par angoisse. par mépris. je me tiens éveillée la nuit et je regarde le ciel. je regarde la noirceur et je pense. je pense à la saveur de ces lèvres, du contact de ses doigts. je pense à la dernière bouteille que j'ai laissé tomber à mes pieds et je pense à mon mal de tête demain matin. à mon mal de vivre. mon plus grand pêché, c'est de ne pas prendre soin de moi. c'est de vouloir apporter bonheur et malheureux à ceux qui n'ont rien demandé.

je ne sais pas si je t'en veux, papa. ou si je peux te pardonner. si même, je t'ai déjà pardonné ? parce que tu restes une cicatrices dans mon esprit. tu restes des marques rosées sur mon corps. je ne sais pas si je t'en veux, parce que tu m'as poussé à être femme avant le temps. mais il y a la petite jazz qui est encore fragile dans mon ombre. ma maturité me dit de passer au-delà tes mots. au-delà tes gestes. que ça ne sert à rien de garder de la hargne pour tes défaites. mais la petite fille, elle veut encore te crier au visage. elle veut encore te demander d'arrêter, de disparaître. mais tu reviens. à chaque fois que la blessure se referme: tu reviens. avec tes grands yeux bleus que je croise dans le miroir à tous les matins. tu reviens, à chaque fois que je retire mes vêtements et que je savonne mon corps. tu reviens, ton ombre dans la mienne. tu es une partie de moi, comme j'ai toujours été ta princesse. tu m'as empêché de voir le soleil, d'écouter les oiseaux. restreinte à la même poupée et aux mêmes lambeaux. comment t'en vouloir, quand tu m'as fait grandir en me contentant de peu ? je t'en veux parce que j'ai mal. parce que mon verre est toujours rempli d'alcool, au lieux de m'aider d'eau. tu m'as fais détester mon corps. je me suis toujours dit que je ne méritais que toi et ton animosité, comme maman l'a longtemps cru. parce que tu l'empêchais de voir tes enfants pleurer. elle devait si longtemps fermer les yeux et se boucher les oreilles pour continuer de t'élever en héros. est-ce que c'est toi qui ne vaux rien, ou c'est moi ? je t'en veux, à coup d'usure et de crainte. lorsque tu empêchais mes amis de me voir en dehors des cours. lorsque tu cognais les poings sur la table lorsque je repoussais les pois verts. lorsque tu arrachais la ligne du téléphone pour te protéger de nos mots extérieurs. je t'en veux de m'avoir poussé au silence. d'avoir laissé le poids de ta disgrâce sur les épaules de mon frère. le seul qui su être un homme. qui l'a toujours été. plus que toi qui s'attarde sur les faibles pour te gonfler un peu le torse. je t'en veux d'avoir pensé au trophée avant de penser à l'humanité. d'avoir été un chasseur avant d'être un amoureux. tu n'as jamais su être d'amour. et tu n'en as jamais mérité. mes lèvres brûlantes sur ta joue. elles n'auraient jamais dû te toucher. oh papa. est-ce que ça va me libérer de te pardonner ? est-ce un faux pansement que de d'être capable de te regarder dans les yeux et accepter tes pardons ? est-ce que tu as seulement l'envie de te faire pardonner ? ou est-ce que t'es trop con et gonflé de fierté ? dis-moi, parle-moi. fais-le en me regardant dans les yeux, arrête de t'attarder sur mes lèvres. permet moi d'être vraiment femme, et cesser d'être la victime de tes bêtises.