how deep is your love (harrington)

Poussant un soupir de soulagement, Josh passa une main dans ses cheveux mouillés. Fraîchement douché, il chercha dans son placard le premier T-shirt qui lui passait sous la main. Son armoire lui semblait encore plus désordonnée qu’à l’habitude et, pris d’une intuition, il renifla brièvement le T-shirt du haut avant de lever les yeux au ciel. Il sentait l’odeur d’une fille et la seule fille qui venait fouiller dans son armoire à la recherche de vêtements, c’était sa soeur. D’ailleurs, c’était bien quelque chose qui lui échappait totalement. Elle avait une tonne de linge dans son placard et elle flottait dans les T-shirts de Josh. Haussant vaguement les épaules en se disant qu’elle ne l’avait probablement pas sali, le jeune homme l’enfila quand même. Il sentit alors un léger froissement au niveau de la petite poche. Surpris, il mit le doigt à l’intérieur et en ressortit un sachet léger. Fronçant immédiatement les sourcils, l’aîné des Harrington sentir une colère sourde monter en lui. Il poussa un juron en espagnol et, après avoir enfilé un short, il sortit aussitôt à la rencontre de Maddy. Après avoir frappé trois coups à la porte de sa chambre, il laissa passer un délai raisonnable, juste au cas où elle aussi aurait eu besoin d’enfiler quelque chose. Puis il ouvrit la porte à la volée, entrant en trombe et jetant le paquet sur le lit où sa soeur était allongée. « C’est quoi encore, cette merde ? » Il se mettait rarement en colère, surtout contre elle. Mais il avait en horreur ce qu’elle faisait. Il détestait savoir qu’elle se détruisait peut-être, probablement, à petit feu. « Tu pourrais au moins prendre la peine de te cacher. »

Au commencement était le Verbe chez certains. Toi, au commencement de ton apocalypse c’est le mal de tête qu’il y a. Mais qu’est-ce qu’il a bien pu te prendre de boire autant ? Tu ne sais pas quelle heure il est, on dirait qu’il y a du soleil dehors. Dans ta tête il fait nuit. Une machine à laver mal entretenue tourne à plein régime dans ton crâne et des vapeurs de cannabis régentent ton cerveau embrumé. Puis y a Josh qui s'époumone en face de toi. ¿Puedes hacer menos ruido? Tu recouvres ton visage avec ton deuxième coussin, comme si ça allait te faire disparaitre.  Cacher quoi encore ? Tu fronces les sourcils. T'as même pas remarqué qu'il avait balancé un sachet de MDMA sur ton lit. Tu te redresses pour essayer de comprendre la raison de son mécontentement. Explique moi calmement ce qui se passe, j'ai affreusement mal à la tête. Et t'as vraiment du mal à le suivre. Des gars ont réussi à fabriquer une voiture qui roule sans conducteur mais la gueule de bois on sait toujours pas la soigner ! Drôle de sens des priorités. Tu te sens prête à à peu près tout pour ne plus avoir l’impression que ton crâne va se fendre.

« Non, je peux pas ! » Il n’avait pas envie de faire moins de bruit, surtout quand il savait pourquoi elle lui demandait ça. Assurément, elle avait la gueule de bois. Il savait qu’elle était sortie la veille et, si lui-même aimait faire la fête, il n’était pas trop pour les excès, surtout quand ça concernait sa petite soeur. « Cacher ça. Je sais pas comment ça s’appelle, mais en tout cas c’est pas du sucre blanc. Si tu pouvais éviter de laisser traîner ça dans mes affaires, je t’en serais très reconnaissant. Si ça se trouve, je me serais fait arrêter dans la rue avec de la drogue dans la poche et maman m’aurait trucidé. » Après réflexion, il récupéra le paquet sur le lit. Il s’arrangerait pour le jeter dans les toilettes ou un truc dans le genre - en tout cas, il n’allait certainement pas le refiler à quelqu’un d’autre. « Bon, écoute, j’estime que je suis très tolérant, mais… Je supporte pas que tu fasses ce truc. Je comprends même pas pourquoi tu le fais, d’ailleurs. » Sentant l’inquiétude prendre le pas sur la colère, il se laissa tomber sur le lit de Maddy, peu importe qu’elle n’ait pas envie de le voir pour l’instant. Il se sentait tellement impuissant à chaque fois qu’il se rappelait que sa petite soeur touchait à ces saletés.

L’alcool plus jamais. Les souvenirs te reviennent. La honte t’envahit. Ça rimait à quoi cette soudaine envie de te mêler des histoires de famille des gens de la table à côté ? Et le serveur on peut savoir pourquoi tu lui jetais des regards langoureux ? Oh là ça te revient… Tu as raconté ta vie et tes doutes et tes chagrins d’amour et ta trouille de la mort aussi à un illustre inconnu. Il ne te reste plus qu’à prier pour ne plus jamais le recroiser. Tu as cumulé l’aveu du mal-être et le baragouinage alcoolémique. Ce que tu as fait relève du suicide social. Tu as même titubé. Et t’as vacillé sur tes talons. L’alcool dégrade. Et même si t’es pas gradée à la base, tu sembles avoir perdu quelques galons de dignité. Pourtant, quel plaisir d’avoir tangué un peu, de s’être écartée des sentiers balisés par la bienséance. Un court instant tu t’es sentie proche d’un Cobain inspiré et maudit. Maudite, t'es maudite. Mais qu'est-ce qui t'as pris de laisser trainer ta coke dans la poche du sweat-shirt de ton frère. Ok... Josh, c'est... c'est pas à moi. Tu mens mal. Très mal. J'ai caché ça pour un pote. Si c'était à moi, j'aurais essayé de le chercher. Tu plonges dans ton mensonge. T'espères qu'il va le gober, parce que t'es clairement pas d'humeur à ce qu'on te fasse la morale. Ta tête va exploser. Tu poses ta main sur le bras de ton frère comme pour le rassurer. T'inquiète, je prend rien. Tu t'en veux de ne pas être sincère avec ton frère, mais t'as pas envie qu'il se fasse du soucis pour toi. Qu'il en vienne à se demander comment t'en es arrivée là. Parce que toi même t'as pas de réponse. Tu sais juste que t'as besoin de cette poudre magique qui fait palpiter ton coeur.



« Et en plus, tu me mens ? Tu me prends pour un con ou quoi ? » Cette fois, malgré ses propos, il avait baissé d’un ton. Parce qu’il était déçu. Parce qu’il était triste qu’elle ne soit pas honnête avec lui, quand bien même la vérité n’était pas belle. D’ailleurs, depuis quand lui mentait-elle ? Quand avait-elle commencé à prendre ce genre de choses ? Et qu’est-ce qui l’y avait poussée, plus précisément ? Les mauvaises fréquentations ? La pression ? Lui-même n’y avait jamais touché, mais peut-être était-ce tout simplement parce qu’il n’avait jamais cultivé de réelles ambitions. Même si la présence de ses parents avait une nette tendance à faire naître un peu d’anxiété chez lui, il s’était contenté de suivre mollement la voie imposée par son paternel. Oui, il y avait beaucoup de concurrence à l’école de commerce, à Londres. Mais contrairement au lycée, il ne faisait pas partie des meilleurs élèves là-bas et ça lui était un peu égal, pour la simple raison que même s’il ne se donnait pas à fond il devrait tout de même reprendre les rennes du business Harrington et il ne manquerait jamais d’argent. Or il savait que pour certains de ses camarades, c’était la pression qui les avait poussés à trouver un peu de soulagement dans la drogue. Etait-ce le cas de sa soeur, ou était-ce seulement pour s’amuser ? « Si ça se trouve, tu as bien essayé de chercher, mais tu n’as pas pensé à fouiller dans mes affaires ou alors c’est tellement désordonné que c’était mission impossible. » Il se prit la tête entre les mains. « Maddy, c’est pas la peine. Je sais que tu en prends. Mais explique-moi au moins… Dis-moi pourquoi. Y’a quelque chose qui va pas ? Il s'est passé des choses graves quand j'étais à Londres ? »

Tu pensais vraiment que tu pouvais t'en sortir comme ça ? Qu'il allait croire à ton mensonge ? Ta voix pas sereine. Tu souffles du nez. T'as la flemme. Flemme qu'il te répète ce que tu sais déjà. Oui, la drogue c'est mal. C'est un fait. Tu l'sais. Mais t'en as besoin. C'est trop tard. T'es prise dans un cercle vicieux - même si tu veux pas te l'avouer. Josh... La déception dans sa voix. Ca t'fait mal. Plus mal que quand tu déçois tes parents - quoi que tu fasses, c'est jamais assez pour eux de toute façon. C'est pour ça que t'es pas restée vivre à la villa. T'as prétexté avoir besoin d'habiter plus près de l'université, mais en réalité c'est la pression que tu supportais pas. Ta mère qui voulait te caser avec tous les bon partis de la ville. Ton père pour qui t'étais jamais assez bien. Ca t'a fait craquer. Il a la réponse à tout. T'es cramée. Résignée, tu t'enfonces plus, mais t'essaye de le rassurer. Non, j'ai pas cherché, parce que j'en ai pris juste comme ça. J'suis pas accro, Josh, ok ? Tu veux pas qu'il se prenne la tête pour toi. T'aime pas être un poids pour les autres. Surtout pas pour les gens que t'aimes. Tout va bien. Rien ne va. C'était juste une erreur. En soirée, j'ai cru que j'allais m'éclater un peu plus en m'en mettant plein le nez, mais c'est des foutaises. J'en ai plus repris.

Il la regarda tenter de se justifier, s’empêtrer dans des justifications même. Et il avait envie de la croire, parce que ça le soulagerait vraiment. Mais il savaitt qu’elle ne dit pas la vérité. Il le savait parce qu’il l’avait déjà surprise dans la salle de bain. Il le savait… Parce qu’il le sentait, tout simplement. Il n’était peut-être pas très doué pour faire preuve de discernement, parfois il manquait même d’un bon sens élémentaire dans les relations humaines et surtout féminines, mais en ce qui concernait sa petite soeur il semblait avoir développé une faculté particulière. Parce que c’était sa perle précieuse. Parce qu’avec des parents un peu spéciaux, ils n’étaient au fond que tous les deux dans leur famille. Parce que du coup, c’était elle et lui contre le reste du monde. Alors oui, ça lui faisait encore plus mal, cette situation. Il avait peur, peur qu’elle continue à s’enfoncer, peur qu’elle devienne accro si ce n’était pas déjà le cas, peur de la retrouver sur le carrelage de la salle d’eau inconsciente, peur de la retrouver dans la rue avec les mauvaises personnes. « Pour une fois on est d’accord, c’est des foutaises. » Il n’avait pas envie de lui faire la morale. Il n’avait pas envie de donner l’impression qu’il était mieux qu’elle parce qu’il n’avait jamais touché à ça. C’était faux. Chacun ses vices et chacun réagissait à sa manière. « S’il te plaît, soeurette, parle-moi… C’est juste pour t’amuser ? Si c’est le cas, je connais plein d’autres façons de t’amuser et je t’emmènerai tous les soirs. » Un peu radouci, il posa une main entre ses omoplates, cherchant à capter son regard. « Ou est-ce qu’il y a autre chose ? J’ai l’impression que tu ne vas pas aussi bien que tu le dis. Je sais que j’ai été à l’étranger pendant des années, qu’on s’est vus seulement quelques fois durant ce temps-là, mais même de loin, j’ai essayé de tenir mon rôle, non ? Alors s’il te plaît, parle-moi. Si tu vas pas bien, je veux t’aider. »

On ne choisit pas sa famille. C’est bien ça la fameuse phrase que tu as entendue des dizaines de fois et que tu as aussi prononcée dans un soupir à plusieurs reprises? Eh bien non, pour sûr, on ne la choisit pas… Mais Josh, tu l'aurais choisi parmi des millions d'autres frère potentiel. Il se soucie vraiment pour ta santé, qu'elle soit morale ou physique. Et tu t'en veux d'lui infliger ça. Oui c'était juste pour m'amuser. Sourire tendre. Sincère. Je vais bien. Tu te répètes. T'essayes de paraitre rassurante. En réalité, t'as des années d'exigences parentales et de stress cumulées derrière toi. Des années pendant lesquelles - comme à l'instant présent, t'as fait semblant d'aller bien. T'as jamais flancher. Fierté démesurée. Confiance en toi inébranlable. Douce superficialité dans laquelle tu plonges avec délice, pourtant, quand on creuse, t'as aussi tes faiblesses. Simple carapace que ton environnement t'a obligé à te créer. Mais qu'est ce que tu me racontes ? Bien sur que t'as toujours tenu ton rôle de grand frère. Contrairement à ta mère qui se soucie plus de ton poids ou du garçon que tu fréquentes que du fait que tu sois heureuse ou à ton père qui peut rester des mois sans demander de tes nouvelles. D'ailleurs, t'es le seul Harrington qui se soucie sincèrement de moi. Aveu amer, mais nécessaire. Tu ne veux pas qu'il culpabilise.

Il fronce légèrement les sourcils. Il est à peu près sûr de ne pas comprendre. « Et ça t’amuse pour de vrai ? Je veux dire, ça te soulage, ça te déconnecte quelque temps, ça te permet de t’évader, un truc dans le genre ? » Il ne sait pas quels effets les drogues ont. Enfin si, mais seulement en théorie, il n’a jamais expérimenté. Alors il essaye, à défaut de comprendre, ce que sa soeur recherche exactement. Parce que comme ça, peut-être qu’il pourra chercher comment compenser. Peut-être qu’en discernant la cause, il pourra mieux l’aider. Parce qu’il ne la croit pas, quand elle dit qu’elle va bien. Parce qu’il la connaît par coeur, sa petite soeur. Il la connaît sûrement mieux qu’elle se connaît elle-même. L’inverse est vrai aussi. Elle essaye de le rassurer. Elle est mignonne. Mais il n’est pas à tout à fait convaincu. S’il était resté, il n’aurait peut-être pas seulement sauvé son couple avec Blair. Il aurait aussi été là pour Maddy, la personne qu’il aime le plus au monde. « Et je me soucierai toujours de toi. Même si c’est trop. Même si c’est lourd. Même si t’en as marre. Même si t’es mariée. Même si t’as des gosses. Tu seras toujours ma petite soeur. » Il s’approche d’elle pour lui faire un câlin. Parce que son but n’est pas de lui faire la morale, mais qu’elle soit la plus heureuse du monde. « C’est ça, le problème ? C’est encore maman ? Ou papa ? Ils t’ont encore mis la pression pour les études, le bon parti ou je sais pas quelle autre connerie ? »