hate the way I love you

30 minutes. une heure presque qu’elle dirait même. le cul planté sur le siège de sa voiture, mabel se demande encore pourquoi elle n’est pas sortie de l’habitacle. quelques mètres seulement la séparent de celui qu’elle a toujours considéré comme l’homme de sa vie. pensive. perdue. elle ne sait même pas à quoi à s’attendre, à ce qu’elle fera quand elle se retrouvera face à cette paire d’yeux qui la cloue au sol à chaque fois. six mois. six mois qu’une partie d’elle lui a été arrachée, que son cœur a été écrasé, brisé. si ce n’était pas pour sa sœur, elle serait encore en train de se morfondre, un pot de glace au beurre de cacahuète en main. petite theo qui lui a mis une belle claque à la figure. au sens figuré, bien sûr. un réveil qui a fait du mal. une coquille vide qui a dû apprendre à vivre sans son partenaire, sans sa moitié.
mais le manque est trop fort. james est son oxygène et sans lui, la vie n’a pas de sens. elle s’est trouvé des talents d’investigatrices et elle l’a retrouvé. une piste qui a été confirmée par l’homme en message. le besoin d’être sûre qu’il se trouve bien ici, à bettelheim. tout ce travail pour au final rester silencieux dans la voiture, la peur qui lui tord les intestins.
et puis, elle ouvre sa portière d’un geste brusque, manquant de peu une borne à incendie. maintenant ou jamais. un shot d’adrénaline, une dose de courage qui parcoure son être. des enjambées mécaniques, comme si son corps est contrôlé par une autre personne. une phalange qui s’échoue trois fois sur la porte en bois. des secondes qui semblent interminables, l’envie de régurgiter tout ce qu’elle a avalé ce midi. ça tombe, il n’est même pas là. prête à faire demi-tour, une silhouette qu’elle ne connaît que trop bien apparaît. lui. james. en chair et en os, juste en face d’elle. un moment qu’elle attendait depuis longtemps, trop longtemps.
des sentiments qui se contredisent. une main qui vole dans les airs pour finir sur la joue de l’homme. une gifle incontrôlable et bien méritée. elle se jette ensuite dans ses bras. contradiction avec son geste précédent. rien n’est cohérent, tout est flou. bordel, elle a envie de le détester, de le haïr pour ce qu’il lui a fait. mais ça lui est impossible. son corps, son être est fait pour l’aimer, pour le chérir. « tu es là ». qu’elle murmure, la voix qui se brise. elle le serre un peu plus contre lui et son odeur infiltre ses narines. l’odeur de la maison, de son bonheur. faible. elle est faible pour lui et le laisserait lui briser le cœur à répétition si cela voulait dire rester près de lui.

Ça y est, j'ai tout balancé à Mabel. Elle sait tout. Elle sait où je suis et il y a de trop fortes chances pour qu'elle vienne me retrouver et exige des explications. Explications que je ne suis pas prêt à donner. Ces choses qu'elle veut entendre, je ne pense pas être prêt à les lui dire. Je ne sais pas si je serai assez fort pour exprimer de vive voix les raisons de ma désertion. Parc'que ouais, j'suis un mec. Un bonhomme. Un dur. Mais lorsqu'il s'agit de Mab, j'ai cette faiblesse qui s'installe dans mon esprit et dans mon cœur. Si les mots ont dépassés sa pensée lors de leur conversation sms, je n'aurais jamais dû craquer et lui dire où je m'étais exilé. Non, non, non... j'ai merdé... me dis-je intérieurement.
A dire vrai, le téléphone ne vibre plus depuis un bon moment. Les échanges ont stoppés à partir du moment où je lui ai tout avoué. Mab n'aurait pas pu sauter dans sa voiture pour venir jusqu'ici sur un coup de tête. Non bien sûr que non. Ou alors... peut-être... « Oh merde! » lâché-je tout haut en attrapant ma veste et en m'assurant que mes clés de voitures étaient bien dans ma poche. Sans plus faire attention à rien, je m'élance dans l'entrée, j'ouvre la porte et là. Après une seconde qui semble s'éterniser, je me prends une gifle à vous faire voir trente-six chandelles.

Une droite pareil ne vos laisse pas de marbre. La joue sans doute bien rouge, le sang qui accourt sur la zone impactée, je ressens une chaleur terrible qui me prend tout le visage. Puis subitement une autre bien plus douce qui m'enveloppe et qui m'étreint le plus tendrement du monde. Je rêve en fait... Mais non. Mab est bien là. Il me suffit de baisser les yeux pour voir le haut de son crâne qui est venu se poser contre mon torse. Une dizaine de secondes passent et je n'ai toujours pas bougé. Sans doute devrais-je faire quelque chose. Dire quelque chose. Mais rien. Je reste stoïque et ne lâche plus un souffle.
C'est d'une main douce que je viens déposer dans le creux de ses reins alors que l'autre soutient toujours ma veste. Et alors je lui dis enfin. « Mab... Mab, qu'est-ce que tu fais là...? » Quelques mots prononcés dans un souffle léger, un sourire au coin des lèvres.

il lui avait fallu du temps pour se bouger et se pointer devant chez lui. deux semaines. cela faisait deux longues semaines que mabel avait tout quitté pour déménager à bettelheim. même sa petite soeur l'avait suivi dans cette folie. cette folie de retrouver james, de ne faire plus qu'un. comme avant. elle a toujours été comme ça la brune. elle fonce, elle n'hésite pas. sang chaud qu'elle tient de son père. têtue à crever, impossible de se mettre en travers de son chemin lorsqu'une idée lui traverse la tête. et retrouver le liverson, c'était son but. impossible d'arrêter, de se stopper tant que ça ne sera pas fait.
alors, pourquoi avait-elle hésité si proche de la fin? bloquée, figée derrière le volant de sa voiture. à quelques pas de la réussite, elle avait failli faire demi-tour. mais, elle est là maintenant. près de lui, serrant son corps contre le sien. elle sent cette main si familière qui se glisse pour venir s'échouer dans le creux de ses reins. un toucher qui lui a manqué, une sensation qui lui hérisse les points. seigneur, il lui a tellement manqué. son coeur éclate, les larmes coulent. trop d'émotions retenues depuis son départ. elle se détache subitement de lui. il ne mérite pas, il n'a pas le droit à son affection.
« qu'est-ce que je fais là? » un rire nerveux traverse ses larmes. elle se demande s'il est sérieux. ce qu'elle fout là? elle est là pour lui. pour ce crétin qui a pris ses jambes à son cou et qui a fui comme un lâche. pour son bien. tu parles. la tristesse laisse place à de la colère. elle lève doucement ses mainsl et commence à frapper son torse. doucement pour comment puis, à une fréquence plus régulière, plus forte. « tu m'as laissé. tu m'as laissé. » phrase répétée en boucle alors qu'elle se défoule contre lui. boule de rage qui possède son corps. elle a envie de lui faire mal. autant de mal qu'il lui a fait quand il est parti. les larmes coulent encore plus fort alors que les coups s'intensifient. elle a mal, mabel. elle est blessée, abandonnée. elle est épuisée aussi. et perdue. elle ne sait plus quoi faire. il a ce don de foutre le bordel dans sa tête. « comment tu as pu? » prononce-t-elle la voix cassée. elle se calme, elle reprend son souffle, stoppe les coups. ça fait du bien de se défouler.

La question n'a pas été reçue comme je l'imaginais. Je voulais bien faire, encore une fois, je voulais lui épargner le mélodrame et les larmes des retrouvailles, mais j'ai du manquer quelque chose. Mab passe du rire nerveux, aux larmes puis à la colère noire en quelques secondes à peine. Je la retiens toujours contre moi, mais je décide de lâcher ma veste qui s'échoue au sol en une espèce de "flop" distinctif du cuir. Je porte ma seconde main dans le dos de la belle et la maintient là serrée contre mon corps. Et c'est là que commence la rafale de coups. Mabel s'emporte, je pense l'avoir mérité mais tout de même, elle s'emploie à venir écraser ses petits poings serrés de rage contre mon torse. D'abord un coup, puis deux, un troisième enchaîne rapidement puis une salve qui dure presque une minute sans discontinuer. Pour chaque coup qu'elle me donne, je ressens la douleur que je lui ai infligé. La violence de ses coups vient à baisser, plus par calme que par fatigue je pense, et enfin elle reparle. Elle pose une question. Une seule. Mais celle-ci est fatidique. Et j'aurais été bien stupide si je ne m'y étais pas attendu. « Hey hey hey... Mab... Arrêtes enfin... » Je monte une main doucement jusque dans son cou et appuie tendrement sa tête contre moi pour qu'elle se pose à nouveau. Puis je glisse mes doigts dans ses cheveux et lui réponds d'une voix douce, « Ça n'a pas été une décision facile. Ce que tu considères être une chose égoïste et sans cœur m'a pourtant arraché le mien à la seconde où j'ai quitté la maison. C'est simple, il est resté avec toi. Toujours. » Je marque une petite pause pour voir si j'allais à nouveau recevoir le courroux de son jugement. Mais rien ne vint. Alors je continue, « Je n'ai pas refait ma vie, comme tu le penses et comme tu me l'as écrit, non. Ce que je fais ici, c'est survivre. J'essaie de me reconstruire. Sans avoir à m'appuyer sur la facilité d'avoir une personne qui fait tout pour moi. Il était temps que je devienne responsable. Et c'est ce que je fais ici. Sans pour autant jamais t'avoir oublié Mab... » J'ai conscience que ces mots ne sont pas faciles. Pas évidents à recevoir. Ils ne sont pas beaux et ne me font pas le moindre bien. Et puis voir ses yeux qui se gorgent de larmes à nouveau n'emplie pas mon cœur de joie. Mais si elle veut les entendre, je me dois de les lui partager. Je pourrais lui proposer de rentrer, de venir s'installer à l'intérieur et de boire un café... Mais je ne suis pas certain qu'elle le perçoive de la meilleure des manière. Alors j'attends que les flots reprennent les doigts qui jouent avec une mèche de ses cheveux.

mabel a l'esprit embrumé. elle ne sait plus quoi faire. l'adrénaline s'envole, elle redescend, se calme, s'adoucit. la colère repose tout de même tranquillement en elle et ne demande qu'à sortir, qu'à exploser. mabel, femme explosive qui représente bien le sang chaud de ses origines. aveuglée par sa tristesse, par sa rage, chaque parole de james lui semble être mensonge. quelques mots pour essayer de l'amadouer, de se faire pardonner. mais ça ne fonctionne pas comme ça avec elle et james doit le savoir. petit bout de femme rancunière qui peut rester éternellement sans adresser la parole à quelqu'un. l'acteur a la carrière brisée devrait s'estimer chanceuse qu'elle ait fait le trajet jusqu'ici, qu'elle ait abandonné sa vie pour réparer les pots qu'il a cassé.
« non, c'est toi qui arrêtes james. » murmure qui sonne plus comme un hurlement, au bord de l'hystérie. elle sent cette main si familière se glisser sur son cou. contact qui lui avait tant manqué, geste tendre qui la fait frémir. pourtant, elle le repousse, elle s'extirpe de sa prise et s'écarte. une distance entre eux, c'est tout ce qu'il mérite. « tu peux le reprendre ton coeur de merde. je ne sais même pas pourquoi j'me suis pointée jusqu'ici pour un tocard qui a laissé derrière lui la seule femme qui a tout fait pour lui. c'est égoïste. quoi que tu dises. tu... » elle en perd ses mots, sa respiration est saccadée. elle s'énerve, fulmine. elle se perd dans ses mots, les larmes ravagent son si joli visage. tout ça à cause de lui et la vie qui lui a enlevé. « être responsable, ce n'est pas ça. tu ne fuis pas toute ta vie quand t'es responsable. tu portes tes couilles et t'essayes de te reconstruire avec la personne qui t'as toujours soutenu, qui accourait au moindre problème. j'ai tout donné pour toi et en retour j'ai le droit à quoi? un pauvre type qui me lâche un jour avant que j'apprenne que je suis enceinte. »la bombe est lâchée. elle ne voulait pas lui dire de base. son petit secret à elle. bébé qu'elle a perdu à cause de la tristesse, fausse couche qui l'a encore plus brisée. sa petite soeur qui l'avait aidé à surmonter ça. mais la douleur reste toujours présente et voir james planté en face d'elle n'arrange rien.

« Attends de comment...? Que...? Quoi??? » Le cerveau en ébullition, j'ai le carafon qui bouillonne mais les mots se précipitent. Ils accourent dans ma gorge, ils foncent sur ma langue et se perdent dans l'inintelligibilité la plus totale de la folie. Et puis qu'est-ce que c'est que ça? Quelle est cette douleur qui me broie les entrailles? Pourquoi est-ce que ces mots m'ont fait si mal? Je sais bien qu'elle dit vrai. Je sais qu'elle a raison. Je suis bien conscient de ne pas avoir assuré. Mais là... Mis devant le fait accompli par la femme qui compte le plus au monde pour moi... Je ne sais pas, ça me détruit littéralement de l'intérieur. Mabel s'est écartée pour m'avouer ça. Elle a pris du recul. Sur les mots, sur la situation, et sur nous. Elle n'a sans doute pas du... A quoi bon réfléchir maintenant James? me dis-je en mon for intérieur. La déclaration me revient en pleine face. J'ai l'impression de recevoir une gifle télépathique envoyée par le plus grand des lutteur de la WWE. J'ai le cœur au bord des lèvres, je sens mon déjeuné qui remue dans mon estomac. Les seuls mots que j'arrive à déblatérer sont : « Enceinte... pourquoi... perdu... moi... » Ouais, j'ai le cerveau qui s'est complètement déconnecté là. Rien d'intelligent ne sortira plus de cette bouche que je souhaitais plus que tout plaquer sur celle de Mabel. J'accuse le coup comme un boxeur de second zone. Avec un uppercut dans le bide, je fais un pas en arrière, puis deux, et enfin un troisième me plaque contre le montant de la porte d'entrée. Je réalise seulement ce qu'aurait pu être ma vie si je n'avais pas pris la plus mauvaise décision de ma vie. J'aurais pu être... « ... père. » dis-je dans un souffle en me mettant la main dans les cheveux en signe de dépit.